FRANCE CULTURE: Ethique, financement : vers un changement de paradigme humanitaire ?
Oxfam, MSF, Save The Children, le CICR, le Mine Advisory Group, l’UNICEF… Jusqu'ici 5 ONG ou redistributeurs sont pris dans des affaires d’abus sexuels sur le terrain : au-delà du déficit d’image, de quoi ces scandales sont-ils révélateurs ?
Pour certains, ces révélations en série depuis trois semaines sont la suite de la rupture de l'omerta initiée par l'affaire Weinstein ; pour d'autres, c'est l'expression d'un rapport de domination larvé dans l'action de terrain des ONG. Quelle que soit l’interprétation de ces affaires, l'humanitaire mondial pâtit déjà de cette situation.
La première affaire implique trois acteurs historiques de l’aide humanitaire : l’organisation Oxfam créée en 1942, le Royaume-Uni, Etat le plus engagé dans le financement humanitaire (0,7 % de son PIB), et Haïti, terre d’ONG depuis le séisme de 2010. Les deux gouvernements ont répliqué sévèrement en coupant leurs financements et suspendant pour deux mois l’activité d’Oxfam en Haïti. L’organisation a déjà perdu 7000 adhérents. Quatre autres ONG majeures sont touchées par des scandales de comportement sexuels.
Ce type de révélation n’est pas nouveau dans le milieu humanitaire, c’était déjà le cas en 2001 et depuis, plusieurs ONG ont adoptées les mêmes règles de responsabilité sociale que les entreprises. Sont-elles insuffisantes aujourd’hui, dans le cadre d’organismes internationaux qui emploient des milliers de personnes ?
Ce scandale vient en tous cas fragiliser un système international humanitaire déjà en pleine réflexion, voire en crise : politique, avec le désengagement américain des ONG pratiquant l'avortement en janvier 2017, ou la campagne de soupçons de collusion avec les passeurs de Méditerranée l’été dernier ; cette crise est aussi plus structurelle, celle de l’efficacité d’organisations anciennes, lourdes, et parfois pour cette raison moyennement efficaces dans leurs procédures internes et réalisations de terrain.
Reste que les besoins humanitaires sont massifs, 80 millions de personnes dans le monde ont besoin d’aide urgente, et que depuis quelques années une réflexion nouvelle se met un place pour rendre leur fonctionnement et leur financement plus efficace. C’est l’enjeu du premier Forum Humanitaire Mondial qui vient de se tenir à Ryad cette semaine.
Faut-il un changement de « paradigme », comme beaucoup l’ont prédit ou le souhaitent ? Et quel en serait le moyen ? Moralisation ? Organisation ? Redéfinition des objectifs ? Les ONG sont-elles réformables ?